La viabilité de notre modèle agricole repose sur la transition agro-écologique, et celle-ci doit transcender les régimes politiques. C’est une question de survie dans un contexte de dégradation de notre environnement. Cette analyse est faite par Marième Sow, présidente du conseil d’administration du réseau international de Enda Tiers-Monde.
La présidente du conseil d’administration du réseau international de Enda Tiers-Monde, Marième Sow, est comblée de satisfaction. L’appel que les organisations de la société civile ont lancé, depuis les années 70, a été finalement entendu. L’appropriation des principes de la transition agro-écologique était leur cheval de bataille depuis des décennies. Cette figure emblématique d’une agriculture propre salue la prise de conscience des autorités d’aller vers un modèle de production agricole qui ne dégrade pas nos forêts ni nos sols, et qui ne pollue pas nos eaux souterraines et de surface. En effet, dans son message à la nation du 31 décembre 2018, le président Macky Sall a annoncé une préparation du Sénégal, pays sahélien, à la transition écologique à travers le « Pse Vert ». « Si l’on parle de transition agro-écologique, cela veut dire qu’il y a une nécessité de changer notre système de production. La sécheresse, la coupe abusive de bois, l’utilisation incontrôlée de l’engrais chimique sont les causes fondamentales de la dégradation de l’environnement. L’alternative, c’est la transition agro-écologique », a affirmé Marième Sow. Cette Sénégalaise fait partie des associations de la société civile qui avaient alerté, depuis les années 70, sur les conséquences d’une agriculture qui abuse des intrants chimiques. En fait, qu’est-ce que c’est que la transition agro-écologique ? C’est le basculement vers un système de production qui impacte moins nos formations forestières et qui ne dégrade pas nos sols. En réalité, l’agro-écologie emprunte beaucoup aux techniques agricoles connues en Afrique. C’est pour cela que, depuis les années 70, Enda Tiers-Monde milite pour la vulgarisation de l’agro-écologie. Les spécialistes considèrent que la durabilité du système de production agricole dépend, en grande partie, de cette « alternative ». « La transition agro-écologique, c’est d’arriver à redonner vie à la terre, à nos forêts, aux micro-organismes qui sont dans le sol. C’est sur la base de l’analyse des résidus des pesticide dans le sol, que Enda Pronat a initié les organisations paysannes à faire recours à d’autres techniques de culture », rappelle Marième Sow, qui salue la vision du président de la République de faire de la transition agro-écologique un axe stratégique du Pse.
Maîtriser la gestion du patrimoine foncier
Elle considère que la transition agro-écologique doit transcender les régimes politiques. C’est une question de survie dans un contexte marqué par les conséquences du changement climatique pour un pays sahélien comme le Sénégal. « Si l’on y regarde de près, la transition agro-écologique est un projet de société. Nous saluons l’option du président Macky Sall d’en faire un axe prioritaire de sa politique. Même d’autres présidents qui viendront après lui doivent en faire une préoccupation majeure. Nous sommes satisfaits de cet appel, parce que pour réussir la transition agro-écologique, il faut qu’elle soit portée par les décideurs politiques, les communautés et les acteurs de la société civile », a précisé la secrétaire exécutive de Enda Pronat, Marième Sow.
Depuis les années 70, les acteurs à la base ont amorcé ce basculement vers une agriculture biologique qui utilise moins d’intrants chimiques. Aujourd’hui, on dénombre plus de 150 organisations paysannes qui ont adopté les techniques propres de production au Sénégal. Toutefois, la militante refuse de résumer la transition agro-écologique à la préservation de l’environnement. Cette notion, ajoute-t-elle, englobe le mode de gestion du foncier. Pour elle, il faut un équilibre entre l’usage du foncier pour l’agriculture, la restauration du couvert végétal, la protection des forêts entre autres. « La réussite de la transition écologique dépend de la maîtrise de la gestion de notre patrimoine foncier. Et, nous devons accepter que cette ressource soit utilisée pour satisfaire, à la fois, les besoins agricoles et la reconstitution du couvert végétal. Nous devons aussi maîtriser la gouvernance de nos ressources hydriques. On ne peut pas concéder des terres à des multinationales qui font de l’agro-business, qui utilisent toutes sortes d’intrants chimiques et prétendre arriver à la transition agro-écologique », a prévenu cette militante. Mme Sow s’est félicitée de la floraison des marchés de légumes bio aussi bien à Dakar qu’à l’intérieur du pays. La sensibilisation menée depuis les années 70 a vraiment porté ses fruits.
Idrissa SANE, journal LeSoleil