Contribution de l'intercommunalité dans la gestion participative de mises en défens : Cas de Diouroup , Niakhar et Diarrère

La dégradation du couvert végétal et la disparition d’espèces forestières causées par la combinaison des facteurs anthropiques et naturels constituent les principales causes de la perte de biodiversité. Conscientes de cette situation, certaines populations tentent de reverdir les écosystèmes sylvopastoraux par différentes techniques telles que la régénération naturelle assistée (RNA), le reboisement et les mises en défens[1]. C’est le cas dans le Bassin Arachidier, notamment dans le département de Fatick avec la mise en défens intercommunale de Diarrère, Diouroup et de Niakhar qui polarise 7 villages : Sobème, Sangharé (commune de Diarrère), Ngouye, Ndiongolor et Ndioudiouf (commune de Diouroup), Koneme et Mboudaye (commune de Niakhar). Elle couvre une superficie de 805 ha dont 465 ha à Diouroup, 256 ha à Diarrère et 84 ha à Niakhar.

Depuis plusieurs années, les populations de ces villages des trois communes, ont mis en place cette mise en défens intercommunale dans le but de i) maintenir la biodiversité des espèces locales ligneuses, herbacée et fauniques, ii) faciliter l’accès des fourrages aux animaux, iii) limiter les vents violents qui causaient des dégâts dans certaines concessions, et iv) solutionner le problème des femmes à la quête du bois de chauffe pour la cuisson.  Pour sa bonne gestion, les populations avaient mis en place des règles consensuelles qui sont aujourd’hui de plus en plus ignorées par les nouvelles générations. En outre, la mise en défens n’est pas également reconnue juridiquement par les autorités administratives (sous-préfet), le service des eaux et forêts et territoriales (les élus locaux).

De plus, le déficit pluviométrique récurrent ces dernières années a occasionné une diminution du fourrage et un accès de plus en plus difficile aux bois de chauffe pour la cuisson chez les femmes. D’une part, la mise en défens est de plus en plus agressée par les réfractaires, et d’autre part, les initiateurs ont du mal à faire respecter les règles préétablies par défaut de textes juridiques à leur portée sur lesquels s’appuyer. Par exemple, cet espace est menacé par l’élargissement des champs de culture du fait d’absence de délimitation reconnue officiellement.  C’est ainsi qu’en 2022, des règles de gestions des ressources naturelles ont été élaborées au niveau de la commune de Diouroup avec l’appui de l’Agence Régionale de Développement (ARD) de Fatick en présence de certains acteurs de la mise en défens de façon participative. Dans le but de partager les règles et de les approfondir, Enda Pronat en collaboration avec l’ARD, la brigade des eaux et forêts de Tattaguine et de celle de Niakhar, dans le cadre du projet d’adaptation aux changements climatiques par la promotion de l’agroécologie dans le bassin arachidier (ACCPA), a organisé des ateliers dans les sept (7) villages partageant l’aire protégée. Ces ateliers d’approfondissement et de partage des règles ont vu la participation de 445 personnes dont 49,89 % de femmes.

Les discussions ont montré que la mise en défens intercommunale de Diouroup, Diarrère et Niakhar constitue une zone de transit par excellence car la plupart des transhumants qui quittent le Djolof font escale dans cet aire protégée pour une longue durée à conditions de ses conditions favorables réunies unique dans le département de Fatick (aires de pâturage et mares appréciés). Toutefois, avec l’empiètement continu des espaces pastoraux, il urge de protéger cette zone par une reconnaissance juridique pour limiter la pression anthropique et les risques de conflits entre les populations et les transhumants et même ceux qui veulent l’ériger en espace de loisirs (hôtels). Il ressort des discussions qu’au-delà des règles de gestion, il devient de plus en plus urgent d’introduire des espèces à forte valeur ajoutée comme Deterium senegalensis, Parkia biglobosa, Vitex danonia, Pterocarpus eranus, Ziziphus mauritiana, en vue de renforcer la valorisation de leurs produits dans le cadre d’activités génératrices de revenus. Un schéma d’aménagement aiderait à mieux gérer cette mise en défens et permettrait aux populations de bénéficier de ses retombées économiques et environnementales, mais aussi de renforcer la disponibilité du bois de chauffe qui devient de plus en plus rare dans la zone. In fine, la mise en défens intercommunale facilitera la mise en place d’une entente intercommunale de Diouroup, Diarrère et Tattaguine et encouragera l’implication des villages de Konème et de Mboudaye (commune de Niakhar) dans la dynamique de la transition agroécologique.

[1] C’est l’ensemble des mesures consensuelles prises par les populations locales pour restaurer et conserver les ressources sylvopastorales d’une partie de leur terroir