Le comité technique du Cadre de Réflexion et d’Action sur le Foncier au Sénégal (CRAFS)[1] s’est réuni le samedi 24 novembre 2018 dans les locaux d’Enda Pronat, avec un groupe de juristes, pour faire le point sur l’évolution de la participation de la société civile au processus de réforme foncière. En début de rencontre, le groupe est revenu sur sa dernière rencontre stratégique du mois de juin 2018. Ce fut l’occasion de discuter une nouvelle fois au sujet des Zones Economiques Spéciales (ZES) qui se multiplient sur le territoire national alors même que la réforme foncière semble gelée, et de faire le point sur la feuille de route du CRAFS concernant ladite réforme. Puis, le groupe de juristes, personnes ressources du CRAFS depuis plusieurs années, a présenté sa proposition de législation.
Rappel historique – Après avoir fait des études et autres recherches à partir de 2010, les organisations membres du CRAFS dont Enda Pronat, ont profité du contexte de relance du processus de réforme foncière entamé en 2012 pour organiser pendant plusieurs années des ateliers de sensibilisation sur les enjeux de la réforme foncière, et des formations sur la législation foncière, auprès de milliers de Sénégalais et Sénégalaises à travers tout le pays. C’est lors de ces ateliers que des propositions paysannes sont ressorties pour une réforme foncière qui soutient et accompagne les exploitations familiales tout en appuyant une politique de développement rural intégrée afin d’atteindre la souveraineté alimentaire. Un grand travail d’harmonisation de ces propositions a ensuite été fait, pour élaborer le Document de position du CRAFS, qui a été remis à la Commission Nationale de Réforme Foncière. La CNRF s’est fortement inspirée du Document de position du CRAFS pour formuler son Document de Politique Foncière, soumis au Président de la République en avril 2017 en présence du CRAFS.
Malgré tout ce travail participatif très positif, d’une part la CNRF a proposé dans son DPF l’immatriculation des terres du Domaine National en dépit des mises en garde du CRAFS qui y voit une main tendue à la marchandisation des terres paysannes, d’autre part l’Etat du Sénégal a dissout la CNRF en juin 2017, et le processus de réforme est au point mort depuis. Face à cette situation et à la multiplication des cas d’accaparement de terres, le CRAFS a décidé de continuer son travail de contribution à la réforme, en proposant une codification des propositions paysannes en texte de loi.
Le document élaboré comprend d’une part une proposition de Loi-cadre qui reprend la Loi sur le Domaine National (LDN), en y intégrant au fil des articles des précisions permettant de prendre en compte les propositions paysannes, et d’autre part un ensemble de décrets d’application prenant en charge plus en détails toutes ces préoccupations. L’application des grands principes contenus dans cette Loi-cadre sera précisée au niveau local à travers des conventions locales et Plans d’Occupation et d’Affectation des Sols, cadrant avec cette loi, et discutés au niveau de chaque commune.
Le comité technique du CRAFS a eu à faire plusieurs remarques sur le document, et le travail doit continuer dans les jours à venir, afin que les juristes puissent façonner un document traduisant exactement les propositions paysannes contenues dans le document de position du CRAFS.
Un atelier de validation est prévu en fin d’année, regroupant l’ensemble des membres du CRAFS et un groupe élargi de juristes, pour aboutir à un document complet et fidèle au travail effectué depuis des années. Cette proposition de Loi-Cadre sera ensuite partagée aux populations à travers le pays, et remise à l’Assemblée Nationale et au gouvernement, dans l’espoir de relancer le processus de réforme, et d’obtenir une législation favorable aux exploitations familiales et à la souveraineté alimentaire.