Echos du séminaire international sur l’agriculture familiale du Brésil

Enda Pronat a pris part au Séminaire international sur l’agriculture familiale, tenu au Brésil, du 25 au 28 mars 2025, dix ans après l’année internationale de l’agriculture familiale,

Cette rencontre a été organisée par l’Université Fédérale du Rio Grande Do Sul (Brésil), le Ministère du Développement Agraire (MDA), le CIRAD et l’Institut Interaméricain de Coopération pour l’Agriculture (IICA) et le forum rural mondial (WRF).

Face aux défis croissants du changement climatique, de la souveraineté alimentaire et du développement rural, le Séminaire international sur l’agriculture familiale avait pour objectif de :

1. Renforcer les échanges d’expériences entre acteurs engagés dans la transition agroécologique,
2. Analyser les politiques publiques qui favorisent ou freinent l’agriculture familiale,

• Définir des stratégies communes pour des systèmes alimentaires durables et résilients.

Plus de 80 participants de divers pays : Colombie, Brésil,Angleterre, Chine, Cameroun, Bénin, Uruguay, Panama, Mozambique, Sénégal, France… ont partagé leurs expériences.

Brésil : Politiques publiques et inclusion sociale

Le Brésil a démontré que des politiques publiques structurantes peuvent transformer l’agriculture familiale. Le Programme d’Alimentation Scolaire et l’appui aux circuits courts garantissent des débouchés aux producteurs tout en améliorant la nutrition des populations. L’accès au crédit et l’appui technique ont favorisé l’adoption de pratiques agroécologiques. Cependant, l’instabilité politique, la concentration des terres entre les mains de grands propriétaires terriens, et la pression de l’agro-industrie restent des défis majeurs. Le Brésil est l’un des pays les plus exposés aux effets du changement climatique, avec des sécheresses accrues dans le Nordeste et des inondations dans le Sud. Pour y faire face, l’agroécologie et l’adoption de pratiques durables sont encouragées mais manquent encore de soutien institutionnel.

Chine : Modernisation et coexistence des modèles agricoles

Le modèle agricole chinois se caractérise par une approche où la modernisation agricole coexiste avec le maintien des petits producteurs ; elle ne se fait pas au détriment des petits agriculteurs, mais plutôt avec leur participation progressive et adaptée. La réforme foncière a permis de sécuriser l’accès à la terre pour les agriculteurs. L’État encadre strictement l’investissement du capital privé dans l’agriculture pour protéger les exploitations familiales. La transition vers une agriculture plus technologique reste un défi pour intégrer les petits producteurs sans les marginaliser.

Royaume-Uni : Vulnérabilités alimentaires et restructuration agricole

Le Royaume-Uni met en lumière les risques d’un modèle agricole trop dépendant des marchés et des importations. La disparition progressive des fermes familiales (-25 % depuis 2005) a fragilisé la production locale. L’augmentation de la précarité alimentaire (30 % de ménages en insécurité alimentaire dans certaines régions) montre les limites d’un système basé sur l’agro-industrie et les importations. La sortie de l’Union Européenne (Brexit) a accentué la vulnérabilité du système alimentaire en augmentant la dépendance aux importations et en perturbant les chaînes logistiques.

Visite d’initiatives portées par des  fermes familiales et organisations publiques

Suite à la conférence, les participant.e.s ont pu visiter différentes initiatives, avec notamment l’entreprise familiale De Paula Alimentos Naturais de transformation de fruits, sur une ferme de 21 hectares exploitée par une famille de 7 personnes ; une agro-industrie familiale Mel de Tera spécialisée dans la production de miel et produits dérivés de l’apiculture ; une agro-industrie familiale  Agroindùstria Sbardelotto spécialisée dans la production de vins et de jus de raisin, et dans l’agrotourisme ; des fermes familiales agroécologiques intégrées de production de banane ou encore de bétail ; la coopérative Coomafitt qui regroupe 315 membres, 40 employés et 3 municipalités dont 80 % de la production agroécologique est écoulé dans le marché public (écoles) ; un supermarché municipal de commercialisation des produits locaux ; ou encore un marché agroécologique populaire.

Perspectives pour le Sénégal et l’Afrique de l’Ouest

La forte volonté politique de soutien de l’agriculture  familiale au Brésil a été un élément particulièrement marquant de ce séjour, avec une politique d’achat publique, la reconnaissance du SPG par le gouvernement, et d’autres orientations qui soutiennent les producteurs.

Ces enseignements montrent que des politiques publiques adaptées, un accès sécurisé à la terre et un soutien aux agricultures familiales sont les clés d’un modèle agricole durable et inclusif.

Au Sénégal, la DyTAES et ses membres portent depuis 5 ans la vision ambitieuse d’inscrire l’agroécologie et l’agriculture familiale au cœur des politiques publiques, ce qui porte peu à peu ses fruits avec notamment en ce moment le processus de révision de la Loi d’Orientation Agro Sylvo Pastorale (LOASP) et l’élaboration d’une Stratégie nationale agroécologie.