Quand une commune décide de prendre en main la gestion de ses ressources naturelles

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Les 31 mars et 1er avril, une centaine de représentants des communautés locales étaient rassemblées à la mairie de Ndoga Babacar dans le département de Tambacounda, à l’appel du maire Monsieur Oumar DEME et d’Enda Pronat, pour réfléchir sur les enjeux de la gouvernance foncière et forestière dans la commune et sur les actions à envisager pour plus de durabilité dans la gestion durable de ses ressources.

Pendant ces deux jours, des chefs de villages, présidentes de GPF, élus et jeunes, ont fait l’état des lieux de la gestion des ressources foncières et forestières, ont identifié les contraintes et difficultés pour une gestion durable de ces ressources, et ont proposé des solutions sous forme d’ébauche de plan d’action pour la commune.

Les principaux points de discussion ont porté notamment sur i) le manque d’implication et d’organisation des populations face aux feux de brousse, ii) la complicité des populations et leur faible maitrise des enjeux, le manque d’activités génératrices de revenus alternatives et le faible contrôle du trafic du bois, concernant le défrichement agricole et la coupe illicite du bois, iii) les conflits liés à l’accès à l’eau et à la gestion de l’espace avec les transhumants et les pasteurs, et enfin iv) le foncier avec les accaparements de terres et la problématique de l’accès des femmes à la terre.

Les discussions étaient facilitées par le maire de la commune lui-même, présent et impliqué tout au long des échanges. Il était accompagné par plusieurs experts : le chef de secteur de la brigade des Eaux et Forêts de l’arrondissement, un expert forestier venu spécialement pour l‘occasion avec la délégation d’Enda Pronat, et le coordinateur des programmes d’Enda Pronat, expert des problématiques foncières du Sénégal.

Pendant les échanges, ces trois intervenants ont eu l’occasion de revenir sur la gestion forestière et les innovations majeures du nouveau Code forestier actualisé en novembre 2018, et sur les procédures de sécurisation foncière des exploitations familiales.

L’intervention d’Enda Pronat dans le département de Tambacounda ne date pas d’hier. Cela fait maintenant 25 ans que l’organisation y intervient aux côtés de la fédération Yakaar Niani Wulli et des collectivités locales, pour le développement d’une agriculture saine et durable et la mise en place de mécanismes de gestion durable et participative des ressources naturelles.

Depuis 2017, Enda Pronat travaille avec le conseil municipal de Ndoga Babacar sur la gouvernance des ressources naturelles, particulièrement sur la sensibilisation pour une meilleure sécurisation des ressources foncières. A la demande de la commune, et face à l’ampleur des dégâts connus et constatés dans cette zone particulièrement affectée par l’exploitation du charbon et le trafic illégal du bois facilité par la porosité de la frontière gambienne située à une trentaine de kilomètres, il a paru indispensable d’intégrer également dans les sensibilisations et réflexions la gestion de la ressource forestière.

Les témoignages de certains participants ont particulièrement marqués les échanges, notamment celui du chef de village de Ndoga Babacar. Il est revenu sur les propos d’un de ses homologues qui a dit que si des étrangers viennent couper le bois dans son village, lui aussi ira couper le bois pour ne pas laisser tous les bénéfices aux étrangers. Le chef du village de Ndoga Babacar l’a interpelé en ces termes : « Si tu vois des personnes étrangères au village venir couper la forêt de ton village et que tu vas toi-même couper à côté d’eux pour gagner aussi ta part, finalement tu seras perdant. Car une fois sa besogne accomplie, l’étranger rentrera chez lui, alors que toi tu seras là et il ne te restera qu’un désert ».

Ces propos illustrent bien le fait que le chemin est encore long pour que les populations prennent en main la préservation de leurs forêts et de leurs terres, mais qu’il y a parmi elles des leaders éclairés et décidés à tout mettre en œuvre pour y parvenir. D’ailleurs il existe dans la zone un village que tous les participants y compris le chef de secteur du service des Eaux et Forêts ont cité comme exemple dans la lutte contre la coupe de bois et la gestion durable des ressources. Il s’agit du village de Saré Aladji à la frontière gambienne où le chef de village a mis en place un dispositif de veille en complicité avec les services des Eaux et Forêts pour préserver son village contre la coupe de bois.

Quelques actions ont été identifiées par les participants pour lutter contre la dégradation des ressources naturelles. Il s’agit entre autres de de poursuivre la sensibilisation à l’échelle villageoises / inter villageoise avec l’appui d’animateurs relais bien formés sur ces questions, de doter les comités villageois de petits matériels pour lutter contre les feux de brousse, de pousser les populations à définir des règles locales pour mieux lutter les dégradations en impliquant davantage les jeunes et les femmes. Sur le plan de la sécurisation foncière, les participants ont préconisé l’accompagnement des populations pour l’obtention des titres de délibérations et une meilleure implication des villages dans toute décision relative à leur espace foncier villageois.

Enda Pronat s’est engagée à accompagner la mairie de Ndoga dans ces actions aux côtés des services techniques et des autres partenaires au développement.